Le processus de sélection du président de la Commission de l’Union Africaine (UA) attire toute l’attention des observateurs du continent. En effet, ce poste clé peut jouer un rôle déterminant dans l’orientation de l’organisation panafricaine, qui, au-delà de son rôle diplomatique et politique, doit répondre aux défis de développement, de paix et de sécurité en Afrique. Trois personnalités se distinguent parmi les candidats à cette haute fonction : Richard Randriamandrato, Mahamoud Ali Youssouf et Raila Amolo Odinga. Chacun d’eux possède des qualités indéniables, mais fait aussi face à des faiblesses qui pourraient entraver leur ambition de diriger la Commission.
Richard Randriamandrato : L’expérience diplomatique
« Je suis économiste et financier. Tout d’abord, pour développer l’économie à l’échelle continentale, il est essentiel de promouvoir le commerce par le biais de la libéralisation. »
Richard Randriamandrato, ministre des Affaires étrangères de Madagascar, est un homme d’expérience. Fort d’un parcours diplomatique impressionnant, il a servi son pays dans de nombreux postes internationaux. Sa connaissance des mécanismes multilatéraux et son expertise dans la gestion des relations extérieures sont des atouts indéniables. Sa carrière le place en position de pouvoir défendre les intérêts de l’Afrique sur la scène internationale, un rôle essentiel pour la Commission de l’UA. Randriamandrato a également un profil pragmatique et technique, ce qui pourrait lui permettre de mener des réformes structurelles au sein de l’organisation.
En revanche, l’une de ses faiblesses réside dans le manque de visibilité et de soutien à l’échelle continentale. Malgré son expérience, il reste relativement inconnu au-delà de son pays. Dans une Afrique où les enjeux géopolitiques sont souvent marqués par les rivalités entre grandes puissances, sa capacité à fédérer au-delà de son cercle immédiat de soutien pourrait être mise à l’épreuve. Le manque de projet concret sur la table pour réformer l’UA pourrait également desservir sa candidature.
Mahamoud Ali Youssouf : Un bâtisseur d’institutions
« Je m’engage à renforcer la sécurité régionale et à favoriser l’unité au-delà des clivages linguistiques et culturels en Afrique. »
Mahamoud Ali Youssouf, ancien ministre des Affaires étrangères de Djibouti et actuel représentant de son pays à l’UA, est une figure incontournable des diplomates africains. Il a non seulement participé aux négociations politiques sur des questions essentielles pour le continent, mais il est aussi reconnu pour ses efforts dans la construction d’institutions régionales robustes. Youssouf possède une vaste expérience en matière de médiation, notamment dans la région de la Corne de l’Afrique. Ses compétences en gestion des crises et en diplomatie préventive sont des arguments forts pour son élection.
Son expérience au sein de l’UA, où il a été impliqué dans plusieurs dossiers de paix et de sécurité, lui donne un solide bagage pour diriger la Commission. Cependant, sa faiblesse pourrait résider dans une image trop centrée sur son pays et ses actions au niveau régional. Bien que ses contributions à la diplomatie régionale soient admirées, il n’a pas toujours été perçu comme un leader continental. En outre, son réseau de soutien, bien qu’importants dans certains cercles, pourrait être insuffisant pour bâtir une coalition large au sein de l’Union Africaine, surtout dans un contexte où des questions de gouvernance et de leadership dominent les débats.
Raila Amolo Odinga : L’outsider charismatique
« J’estime qu’il est grand temps que le continent africain dispose de deux sièges permanents au Conseil de sécurité de l’ONU, assortis d’un droit de veto. »
Raila Odinga, ancien Premier ministre du Kenya et figure politique majeure de l’Afrique de l’Est, représente une candidature plus politique, avec une dimension de leadership qui pourrait s’avérer bénéfique pour l’UA. Charismatique et populaire, il jouit d’une grande reconnaissance sur le continent, notamment en raison de ses années de lutte pour la démocratie et ses expériences en tant que chef d’opposition. Son rôle de médiateur dans plusieurs crises politiques, notamment au Kenya, lui a conféré une stature qui va au-delà des frontières de son pays. Ce profil de leader pourrait insuffler une nouvelle dynamique à l’UA, en particulier face à des défis complexes de gouvernance et de stabilité.
Cependant, son parcours politique, marqué par des tensions internes et une longue rivalité avec d’autres figures politiques kényanes, pourrait devenir un frein. Son image de « leader de l’opposition » pourrait susciter des résistances au sein de certains États africains qui privilégient des figures plus consensuelles. De plus, bien que son charisme soit indéniable, son approche politique pourrait ne pas suffire à répondre aux défis technocratiques et organisationnels complexes auxquels l’UA est confrontée. L’UA, étant une organisation multilatérale, exige des compétences en gestion administrative et une vision à long terme qu’Odinga devra prouver être capable de déployer.
Un enjeu majeur pour l’UA
La présidence de la Commission de l’Union Africaine est un rôle stratégique qui influencera l’orientation future de l’organisation. Chaque candidat présente des atouts considérables : Randriamandrato avec son expertise diplomatique, Youssouf avec sa solide expérience institutionnelle, et Odinga avec son leadership charismatique. Cependant, leurs faiblesses respectives – un manque de soutien continental pour Randriamandrato, une image trop régionale pour Youssouf, et une approche politique potentiellement clivante pour Odinga – témoignent des défis qui les attendent.
À travers cette élection, l’UA se trouve à un carrefour crucial. Le prochain président de la Commission devra non seulement incarner l’unité du continent mais aussi relever des défis majeurs, de la gestion des conflits à la réorganisation de l’Union Africaine pour mieux répondre aux enjeux contemporains. La réussite de ce candidat ne dépendra pas uniquement de son charisme ou de ses compétences diplomatiques, mais aussi de sa capacité à fédérer les 55 États membres autour de visions communes et de solutions concrètes pour un avenir prospère et pacifique pour l’Afrique.
Hassan Cher
English translation of the article in French.
African Union: The strengths and weaknesses of the three candidates for the presidency of the African Union Commission.
The selection process for the Chairperson of the African Union (AU) Commission is attracting a great deal of attention from observers across the continent. Indeed, this key position can play a decisive role in the direction of the pan-African organization, which, beyond its diplomatic and political role, must respond to the challenges of development, peace and security in Africa. Three personalities stand out among the candidates for this high office: Richard Randriamandrato, Mahamoud Ali Youssouf and Raila Amolo Odinga. Each of them possesses undeniable qualities, but also faces weaknesses that could hinder their ambition to lead the Commission.
Richard Randriamandrato: Diplomatic experience
“I’m an economist and financier. First of all, to develop the economy on a continental scale, it is essential to promote trade through liberalization.”
Richard Randriamandrato, Madagascar’s Minister of Foreign Affairs, is a man of experience. With an impressive diplomatic record, he has served his country in numerous international posts. His knowledge of multilateral mechanisms and expertise in managing foreign relations are undeniable assets. His career puts him in a position to defend Africa’s interests on the international stage, an essential role for the AU Commission. Randriamandrato also has a pragmatic and technical profile, which could enable him to lead structural reforms within the organization.
However, one of his weaknesses lies in his lack of visibility and support on a continental scale. Despite his experience, he remains relatively unknown outside his own country. In an Africa where geopolitical stakes are often marked by rivalries between great powers, his ability to federate beyond his immediate circle of support could be put to the test. The lack of a concrete project on the table to reform the AU could also do his candidacy a disservice.
Mahamoud Ali Youssouf: an institution builder
“I am committed to strengthening regional security and fostering unity across linguistic and cultural divides in Africa.”
Mahamoud Ali Youssouf, Djibouti’s former Minister of Foreign Affairs and his country’s current representative to the AU, is a key figure among African diplomats. Not only has he been involved in political negotiations on key issues for the continent, he is also recognized for his efforts in building strong regional institutions. Youssouf has extensive mediation experience, particularly in the Horn of Africa. His skills in crisis management and preventive diplomacy are strong arguments for his election.
His experience within the AU, where he was involved in a number of peace and security issues, gives him a solid background to lead the Commission. However, his weakness could lie in an image that is too focused on his country and its actions at regional level. Although his contributions to regional diplomacy are admired, he has not always been perceived as a continental leader. What’s more, his network of support, while important in certain circles, may be insufficient to build a broad coalition within the African Union, especially in a context where questions of governance and leadership dominate the debates.
Raila Amolo Odinga: the charismatic outsider
“I believe it’s high time the African continent had two permanent seats on the UN Security Council, complete with veto power.”
Raila Odinga, former Prime Minister of Kenya and a major political figure in East Africa, represents a more political candidacy, with a leadership dimension that could prove beneficial to the AU. Charismatic and popular, he is widely recognized on the continent for his years of struggle for democracy and his experience as an opposition leader. His role as mediator in several political crises, notably in Kenya, has given him a stature that extends beyond his country’s borders. This leadership profile could breathe new life into the AU, particularly in the face of complex governance and stability challenges.
However, his political career, marked by internal tensions and a long rivalry with other Kenyan political figures, could become a brake. His image as an “opposition leader” could provoke resistance in some African countries, which prefer more consensual figures. What’s more, although his charisma is undeniable, his political approach may not be sufficient to meet the complex technocratic and organizational challenges facing the AU. The AU, being a multilateral organization, requires administrative management skills and a long-term vision that Odinga will have to prove capable of deploying.
A major challenge for the AU
The presidency of the African Union Commission is a strategic role that will influence the future direction of the organization. Each candidate has considerable strengths: Randriamandrato with his diplomatic expertise, Youssouf with his solid institutional experience, and Odinga with his charismatic leadership. However, their respective weaknesses – a lack of continental support for Randriamandrato, an overly regional image for Youssouf, and a potentially divisive political approach for Odinga – testify to the challenges that lie ahead.
This election places the AU at a crucial crossroads. The next Chairman of the Commission will not only have to embody the unity of the continent, but also take up major challenges, from conflict management to the reorganization of the African Union to better respond to contemporary issues. The success of this candidate will depend not only on his or her charisma or diplomatic skills, but also on his or her ability to unite the 55 member states around shared visions and concrete solutions for a prosperous and peaceful future for Africa.
Hassan Cher
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