Jeudi 20 juin 2024, Madame Fowsiya Yusuf Haji Adan, ancienne vice-première ministre et ex-ministre des affaires étrangères de la République fédérale de Somalie mais aussi actuelle députée à l’Assemblée fédérale somalienne, a tenu une conférence de presse. Selon nos informations, elle l’a tenue, non pas Mogadiscio où elle réside habituellement, mais à Nairobi, au Kenya.
Dans cette prise de parole, elle a commencé par remercier tous les soutiens à sa candidature à la présidence de la Commission de l’Union africaine, particulièrement les femmes et le public somaliens. Elle a poursuivi en disant quelques mots sur son riche parcours personnel et sur l’histoire patriotique de sa famille. Son père, Feu Yusuf Haji Adan, auteur et poète, était un grand nom de la culture somalienne. On lui doit notamment l’hymne national somalien : Soomaaliyey toosoo (‘’Somalis, levez-vous’’). Son défunt époux, Feu général Abubaker Mohamed Liban, était l’un des meilleurs officiers de l’armée somalienne. Il s’était notamment illustré par ses faits d’armes à la guerre dite de l’Ogaden entre la Somalie et l’Éthiopie de 1977. Il était chef des opérations.
Du contexte personnel et familial, la candidate est passée à l’objet de sa conférence de presse. Elle a révélé un scandale qui restera gravé dans les mémoires des Somaliens, et pas seulement eux. Elle a déclaré que, en 2013, au cours du premier mandat du président actuel de la République fédérale de Somalie, Hassan Sheikh Mahamud, elle lui avait part de son intention de se porter candidate à la présidence de la Commission de l’Union africaine. Il l’avait alors encouragée, ce qui lui avait permis de se lancer dans la course avec la conviction d’être soutenue par l’État somalien et son chef. Trois ans durant, elle avait travaillé, franchissant les étapes les plus difficiles du processus de sélection. En 2016, alors qu’elle était en position de gagner, le président Mahamud lui avait demandé de se désister en faveur du candidat du Kenya. Devant l’insistance présidentielle, elle avait cédé, sans avoir jamais su quel(s) bénéfice(s) son désistement avait apporté(s) à son pays, la Somalie. Finalement, le candidat kenyan avait été battu par l’actuel chef de la Commission africaine, le tchadien Moussa Faki. Échec donc sur toute la ligne pour Hassan Sheikh Mahamud : il avait empêché la candidature de son pays au profit d’un candidat étranger mal placé !
Il y a huit mois, a poursuivi Fowsiya Yusuf Haji Adan devant les médias, soit au dernier trimestre de l’an 2023, elle était allée voir Hassan Sheik Mahamud, revenu au pouvoir fédéral en mai 2022, pour lui annoncer son intention de se présenter à la présidence de la Commission africaine dont le titulaire termine son second mandat à la fin de cette année 2024. Le président avait chaleureusement accueilli son projet de candidature et lui avait promis tout son soutien. Cette promesse s’était concrétisée à la fois en termes d’équipe de campagne et de concours financier, même si, dans sa déclaration de jeudi, elle a déploré des obstacles dressés sur son chemin par certains officiels de l’administration Sheikh Mahamud.
Et patatras ! le président de la République la convoquait à la Villa Somalia il y a quelques semaines pour lui demander de se désister encore. Au profit de qui cette fois ? En faveur de l’autocrate Ismail Omar Guelleh de Djibouti. Ce dernier soutient la tardive candidature au même poste de son ministre des affaires étrangères, Mahamoud Ali Youssouf. La candidature djiboutienne avait été déposée six mois après celle de la Somalienne.
Hassan Sheikh Mahamud demandait le désistement de Fowsiya Yusuf Sheikh Adan en présence de son premier ministre, Hamze Abdi Barreh, de son vice-premier ministre, Saleh Ahmed Jama, et de quatre présidents d’États régionaux fédérés somaliens. Elle n’en croyait ni ses oreilles ni ses yeux. Elle demandait le pourquoi du comment, recevant pour seul argument l’ainesse d’Ismail Omar Guelleh. Elle n’était pas convaincue et demandait ce que son éventuel désistement eût apporté à son pays, la Somalie. Le président n’avançait rien de recevable à ce sujet. Alors, tout en manifestant son refus, elle demandait dix jours de réflexion, espérant que Hassan Sheikh Mahamud allait revenir à la raison et la laisser poursuivre sa campagne pour le poste stratégique de président de la Commission africaine.
Mais le locataire de la Villa Somalia se montrait imperturbable, continuant à réclamer son désistement. Sur ces entrefaites, son ancienne ministre des affaires étrangères lui signifiait définitivement qu’elle ne se désisterait pas et qu’elle irait jusqu’au bout de sa candidature. Ce, au nom de l’intérêt général somalien.
Lors de sa conférence de presse, Fowsiya Yusuf Haji Adan a également révélé qu’Ismail Omar Guelleh torpillait le soutien qu’elle avait obtenu auprès d’une vingtaine d’États africains, tous membres de l’organisation de la coopération islamique (OCI). A ce sujet, l’on se souvient de la participation de l’autocrate djiboutien, accompagné de son ministre et candidat à la présidence de la Commission africaine, au récent sommet des Chefs d’État et de gouvernement à Banjul, en Gambie.
Les révélations de la candidate Fowsiya Yusuf Sheikh Adan sur les agissements antipatriotiques de Hassan Sheikh Mahamud ont provoqué choc et consternation dans l’opinion publique somalienne. Les condamnations se multiplient, venant de tous les secteurs de la société. Les entendra-t-il ? Ce n’est pas certain de la part d’un homme dont l’action se limite essentiellement à courir après l’enrichissement personnel. Rappelons au passage que, en 2023, il avait aussi retiré son soutien à Marwa Abdi Bashir, une député fédérale somalienne qui se présentait à la présidence de l’Union interparlementaire.
Mercredi 19 juin, loin de se soucier de ce que pense son peuple de ses actes, le président somalien a fait escale chez Ismail Omar Guelleh, sur son chemin de retour d’un énième voyage de convenance en Europe. Cette escale, pour renouveler son soutien à son ami et l’assurer du vote somalien en faveur du candidat djiboutien.
Mais alors, que gagne le prédateur d’État Hassan Sheikh Mahamud dans cette affaire ? Nous avons commencé à enquêter. Nous apprenons, d’ores et déjà, qu’une vaste parcelle de terrain à bâtir lui a été octroyée par Ismail Omar Guelleh dans la zone Nagad, en banlieue de Djibouti-ville, la capitale djiboutienne. Elle serait gratuite, ou presque, à raison de 500 francs Djibouti (FD), soit 2.81 dollars américains, le mètre-carré. A suivre.