L’impact de la visite d’Hassan Sheikh Mohamud en Éthiopie sur l’alliance tripartite d’Asmara
La visite du président somalien, Hassan Sheikh Mohamud, en Éthiopie, le 11 janvier 2025, suscite des répercussions diplomatiques majeures sur l’alliance tripartite d’Asmara, composée de l’Érythrée, de la Somalie et de l’Égypte. Cette alliance, qui a vu le jour dans le contexte de rivalités géopolitiques autour de la gestion des ressources en eau du Nil, de la sécurité régionale et de la stabilité de la Somalie, pourrait être fragilisée par ce déplacement stratégique. Jusqu’à présent, l’alliance avait permis aux trois nations de coordonner leurs actions face aux défis régionaux, notamment les menaces sécuritaires comme Al-Shabaab. Cependant, la visite d’Hassan Sheikh Mohamud à Addis-Abeba signale un possible réajustement des alliances.
La clé de cette évolution réside dans l’implication d’Ismaël Omar Guelleh, le président de Djibouti, qui a joué un rôle décisif dans la facilitation de cette visite. Ismaël Omar Guelleh, en tant qu’acteur régional influent, semble avoir joué sur les internes personnelles de Hassan Sheikh Mohamud (ses investissements personnelles à Djibouti, l’anéantissement des états régionaux, sa réélection en 2026), en incitant ce dernier à se rapprocher de l’Éthiopie. Ce rapprochement pourrait bien semer la discorde entre les membres de l’alliance tripartite d’Asmara, notamment entre l’Égypte, la Somalie et l’Éthiopie, chacun ayant ses propres priorités stratégiques. Tandis que l’Égypte et l’Éthiopie se livrent à une lutte d’influence concernant les ressources en eau du Nil, la Somalie semble se positionner comme un acteur clé dans la dynamique régionale, et sa prise de position pourrait affaiblir cette alliance.
Le rôle de Guelleh et les promesses motivant la visite d’Hassan Sheikh Mohamud
Le rôle central d’Ismael Omar Guelleh dans cette visite réside dans ses efforts pour atténuer les tensions entre la Somalie et l’Éthiopie afin de tenir toujours sous contrôle la Somalie, tout en cherchant à déstabiliser l’alliance tripartite d’Asmara. Selon des sources proches de la première dame de Djibouti, Ismaël Omar Guelleh a réussi à convaincre Hassan Sheikh Mohamud de faire un geste diplomatique en faveur d’Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, ce qu’il avait refusé auparavant.
Ismaël Omar Guelleh a fait les promisses suivantes à Hassan Sheikh Mohamud :
- Atténuer les tensions entre la Somalie et l’Éthiopie : Ismaël Omar Guelleh a joué un rôle central en facilitant la réconciliation entre la Somalie et l’Éthiopie, afin de maintenir la Somalie sous son influence tout en déstabilisant l’alliance tripartite entre l’Égypte, l’Érythrée et la Somalie.
- Affaiblir l’alliance tripartite d’Asmara: En convainquant Hassan Sheikh Mohamud de se rendre à Addis-Abeba, Guelleh a cherché à fragiliser les relations entre les membres de l’alliance tripartite d’Asmara (Éthiopie, Somalie, Égypte), en jouant sur les tensions internes et en affaiblissant leur cohésion.
- Promesse de non-soutien aux États régionaux en Somalie : Guelleh a promis à Hassan Sheikh Mohamud que l’Éthiopie ne soutiendrait plus les États régionaux somaliens (Somaliland, Puntland, Jubaland, Baidoa) qui sont perçus comme des menaces potentielles pour la réélection de Mohamud en 2026.
- Assurance de soutien à sa réélection en 2026 : Guelleh a également promis à Hassan Sheikh Mohamud qu’Addis-Abeba ne ferait pas obstacle à sa réélection lors des prochaines élections présidentielles en 2026, ce qui est essentiel pour assurer la stabilité politique interne de la Somalie et garantir un second mandat pour Hassan Sheikh Mohamud.
- Renforcer la position diplomatique de la Somalie : La diplomatie de Guelleh semble viser à renforcer la position de la Somalie vis-à-vis de ses voisins tout en sapant les fondements de l’alliance tripartite qui lie le Caire et Asmara à Mogadiscio, dans une démarche visant à conserver sa mainmise sur la politique et économie de la Somalie.
Le risque de conflit entre l’Égypte, l’Érythrée et l’Éthiopie sur le sol somalien
La visite d’Hassan Sheikh Mohamud en Éthiopie pourrait également exacerber les tensions déjà existantes entre l’Égypte, l’Érythrée et l’Éthiopie, en particulier sur la question de la Somalie. La Somalie se trouve au cœur de plusieurs rivalités géopolitiques en Afrique de l’Est, et la coopération militaire avec l’Égypte et l’Érythrée est perçue par Addis-Abeba comme un moyen de contrer l’influence éthiopienne dans la région. Les relations tendues entre l’Égypte et l’Éthiopie, exacerbées par le conflit autour du Grand Barrage de la Renaissance, ajoutent une dimension supplémentaire à cette complexité.
L’Égypte, préoccupée par la gestion de ses ressources en eau et son influence sur le bassin du Nil, a renforcé ses relations avec la Somalie, notamment à travers des accords militaires et des engagements dans la lutte contre Al-Shabaab. La présence militaire égyptienne en Somalie et sa participation à la mission de l’Union africaine, AUSSOM, pourraient provoquer des frictions avec l’Éthiopie, qui, malgré des accords bilatéraux, considère cette présence comme une menace à sa souveraineté. D’autre part, l’Érythrée, traditionnellement en opposition avec l’Éthiopie, pourrait percevoir ce rapprochement entre la Somalie et l’Éthiopie comme une tentative de déstabilisation de son influence dans la région, d’autant plus que les relations entre Asmara et Addis-Abeba sont loin d’être exemptes de tensions.
Le risque de conflit ouvert demeure limité pour l’instant, mais cette dynamique pourrait entraîner un alignement plus marqué des puissances régionales qui, à terme, pourrait être source de déstabilisation. En particulier, l’Égypte pourrait chercher à utiliser la Somalie comme un levier pour contrer l’influence éthiopienne, et l’Érythrée, quant à elle, pourrait se retrouver dans une position délicate, cherchant à maintenir une position de force tout en répondant aux évolutions de la politique somalienne.
Conclusion
La visite d’Hassan Sheikh Mohamud en Éthiopie marque un tournant potentiel dans les relations géopolitiques de la Corne de l’Afrique. Elle semble, en effet, avoir des implications profondes pour l’alliance tripartite d’Asmara, tout en renforçant la position de la Somalie dans un jeu d’influence complexe entre l’Égypte, l’Éthiopie et l’Érythrée. Le rôle stratégique de Guelleh, la promesse d’un soutien politique à Hassan Sheikh Mohamud, et les tensions persistantes entre les acteurs régionaux pourraient bien déclencher une nouvelle phase de compétitions et de confrontations diplomatiques. Le risque de conflit, bien que limité, demeure présent et pourrait affecter la stabilité régionale sur le sol somalien.
Hassan Cher
English translation of the article in French.
East Africa: Behind Hassan Sheikh Mohamud’s visit to Ethiopia, a diplomatic game to weaken Asmara’s tripartite alliance and guarantee his re-election in 2026.
The impact of Hassan Sheikh Mohamud’s visit to Ethiopia on Asmara’s tripartite alliance
Somali President Hassan Sheikh Mohamud’s visit to Ethiopia on January 11, 2025 will have major diplomatic repercussions for the tripartite Asmara alliance of Eritrea, Somalia and Egypt. This alliance, which came into being against a backdrop of geopolitical rivalries over the management of the Nile’s water resources, regional security and the stability of Somalia, could be weakened by this strategic shift. Until now, the alliance had enabled the three nations to coordinate their actions in the face of regional challenges, including security threats such as Al-Shabaab. However, Hassan Sheikh Mohamud’s visit to Addis Ababa signals a possible readjustment of alliances.
The key to this development lies in the involvement of Ismaël Omar Guelleh, President of Djibouti, who played a decisive role in facilitating the visit. Ismaël Omar Guelleh, as an influential regional player, seems to have played on Hassan Sheikh Mohamud’s personal internals (his personal investments in Djibouti, the annihilation of regional states, his re-election in 2026), encouraging him to move closer to Ethiopia. This rapprochement could well sow discord between the members of Asmara’s tripartite alliance, notably between Egypt, Somalia and Ethiopia, each with its own strategic priorities. While Egypt and Ethiopia battle for influence over the Nile’s water resources, Somalia seems to be positioning itself as a key player in the regional dynamic, and its stance could weaken the alliance.
Guelleh’s role and the promises behind Hassan Sheikh Mohamud’s visit
Ismael Omar Guelleh’s central role in this visit lies in his efforts to ease tensions between Somalia and Ethiopia in order to keep Somalia under control, while seeking to destabilize Asmara’s tripartite alliance. According to sources close to Djibouti’s First Lady, Ismaël Omar Guelleh succeeded in convincing Hassan Sheikh Mohamud to make a diplomatic gesture in favor of Abiy Ahmed, the Ethiopian Prime Minister, which he had previously refused.
Ismaël Omar Guelleh made the following promises to Hassan Sheikh Mohamud:
- Easing tensions between Somalia and Ethiopia: Ismaël Omar Guelleh played a central role in facilitating reconciliation between Somalia and Ethiopia, in order to keep Somalia under his influence while destabilizing the tripartite alliance between Egypt, Eritrea and Somalia.
- Weaken the Asmara tripartite alliance: By convincing Hassan Sheikh Mohamud to visit Addis Ababa, Guelleh sought to weaken relations between the members of the Asmara tripartite alliance (Ethiopia, Somalia, Egypt), playing on internal tensions and weakening their cohesion.
- Promise not to support regional states in Somalia: Guelleh promised Hassan Sheikh Mohamud that Ethiopia would no longer support Somalia’s regional states (Somaliland, Puntland, Jubaland, Baidoa), which are seen as potential threats to Mohamud’s re-election in 2026.
- Assurance of support for his re-election in 2026: Guelleh also promised Hassan Sheikh Mohamud that Addis Ababa would not stand in the way of his re-election in the next presidential elections in 2026, which is essential to ensure internal political stability in Somalia and guarantee a second term for Hassan Sheikh Mohamud.
- Strengthening Somalia’s diplomatic position: Guelleh’s diplomacy seems to be aimed at strengthening Somalia’s position vis-à-vis its neighbors, while undermining the foundations of the tripartite alliance linking Cairo and Asmara to Mogadishu, in a move designed to maintain his grip on Somalia’s politics and economy.
The risk of conflict between Egypt, Eritrea and Ethiopia on Somali soil
Hassan Sheikh Mohamud’s visit to Ethiopia could also exacerbate existing tensions between Egypt, Eritrea and Ethiopia, particularly over the issue of Somalia. Somalia lies at the heart of several geopolitical rivalries in East Africa, and military cooperation with Egypt and Eritrea is seen by Addis Ababa as a means of countering Ethiopian influence in the region. The tense relations between Egypt and Ethiopia, exacerbated by the conflict over the Grand Renaissance Dam, add a further dimension to this complexity. Egypt, concerned about the management of its water resources and its influence over the Nile basin, has strengthened its relations with Somalia, notably through military agreements and commitments in the fight against Al-Shabaab. Egypt’s military presence in Somalia and its participation in the African Union mission, AUSSOM, could cause friction with Ethiopia, which, despite bilateral agreements, considers this presence a threat to its sovereignty. On the other hand, Eritrea, traditionally at odds with Ethiopia, could perceive this rapprochement between Somalia and Ethiopia as an attempt to destabilize its influence in the region, especially as relations between Asmara and Addis Ababa are far from tension-free.
The risk of open conflict remains limited for the time being, but this dynamic could lead to a more marked alignment of regional powers, which could ultimately be a source of destabilization. In particular, Egypt could seek to use Somalia as a lever to counter Ethiopian influence, while Eritrea could find itself in a delicate position, seeking to maintain a position of strength while responding to developments in Somali politics.
Conclusion
Hassan Sheikh Mohamud’s visit to Ethiopia marks a potential turning point in geopolitical relations in the Horn of Africa. Indeed, it appears to have profound implications for Asmara’s tripartite alliance, while strengthening Somalia’s position in a complex game of influence between Egypt, Ethiopia and Eritrea. Guelleh’s strategic role, the promise of political support for Hassan Sheikh Mohamud, and persistent tensions between regional players could well trigger a new phase of diplomatic competition and confrontation. The risk of conflict, although limited, remains present and could affect regional stability on Somali soil.
Hassan Cher
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