Peter Cherif, alias Abou Hamza, est un djihadiste français que la justice française accuse d’avoir joué un rôle central dans plusieurs opérations terroristes, notamment en Irak et au Yémen, en tant que membre actif d’Al-Qaïda. Après plusieurs années de cavale, il a été arrêté à Djibouti le 16 décembre 2018, mettant en lumière la complexité des relations diplomatiques entre la France et la République de Djibouti concernant son extradition et son statut juridique.
Peter Cherif, sa femme et son enfant résidaient de manière permanente dans le quartier de Hodan, dans la commune de Balbala, un secteur populaire de Djibouti. Leur maison appartenait à la famille Guelleh, selon des sources proches de l’ancien chef de la police nationale et de certains membres de la justice djiboutienne. Cherif vivait à Djibouti depuis 2015 et il exerçait un emploi régulier au sein d’une entreprise à Djibouti.
Il avait prévu de résident d’une manière permanente à Djibouti parce qu’il figurait à la fin de l’année 2015 sur une liste de djihadistes d’origine européenne ou maghrébine éligibles pour obtenir la nationalité djiboutienne par acquisition.
Cette liste, approuvée par les autorités djiboutiennes, visait à accorder la nationalité à certains djihadistes étrangers. Cependant, des fuites d’informations et des partages de renseignements entre hauts cadres djiboutiens et pays occidentaux ont stoppé ce processus.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer pourquoi la République de Djibouti aurait envisagé d’accorder la nationalité à Peter Cherif :
- Éviter l’extradition : En lui accordant la nationalité, Djibouti aurait pu compliquer son extradition vers la France ou d’autres pays, rendant Peter Cherif protégé par les lois djiboutiennes. Ce genre de manœuvre peut être employé pour retarder ou éviter un transfert judiciaire sous prétexte de protection nationale.
- Influence géopolitique : Djibouti occupe une position géostratégique clé en accueillant plusieurs bases militaires étrangères, dont une base française. Accorder la nationalité à Peter Cherif aurait pu répondre à certains objectifs diplomatiques ou sécuritaires, dans le cadre de négociations avec des acteurs régionaux, y compris des groupes djihadistes.
- Protection d’informations sensibles : Djibouti aurait également pu chercher à protéger des informations confidentielles concernant ses relations avec des groupes islamistes ou terroristes actifs dans la région. En donnant la nationalité à Cherif, le pays aurait pu éviter que des informations sensibles ne soient dévoilées lors d’une éventuelle extradition ou procès en France.
Finalement, Peter Cherif a été extradé en France peu de temps après son arrestation, suggérant que ces hypothèses n’ont pas abouti ou que les autorités djiboutiennes et françaises ont coopéré rapidement pour éviter cette situation.
Conditions pour l’acquisition de la nationalité djiboutienne
Selon la Loi n°79/AN/04/5ème L portant Code de la Nationalité Djiboutienne, un étranger doit remplir plusieurs conditions pour prétendre à la nationalité :
- Qui peut obtenir la nationalité par acquisition ? La nationalité peut être accordée par décret, sur demande de l’intéressé, ou dans des circonstances particulières, comme le mariage avec un(e) Djiboutien(ne) après un certain temps de vie commune.
- Délai et conditions :
- Délai : L’étranger doit avoir résidé de manière habituelle en République de Djibouti pendant au moins 10 ans avant de pouvoir demander la nationalité. Ce délai est réduit à 5 ans pour ceux qui ont rendu ou peuvent rendre des services importants au pays.
- Conditions : Bonne moralité, assimilation à la communauté djiboutienne (notamment par la maîtrise d’une langue locale), et ne pas être sous le coup d’un arrêté d’expulsion ou d’assignation à résidence.
- Condamnations pouvant bloquer l’obtention de la nationalité : L’acquisition de la nationalité est impossible pour toute personne ayant été condamnée pour :
- Un crime ou délit contre la sûreté de l’État.
- Un crime non effacé par réhabilitation.
- Une peine de plus de six mois d’emprisonnement pour des délits tels que le vol, escroquerie, abus de confiance, ou chantage.
Une commission, composée de représentants des ministères et présidée par un magistrat, est chargée de donner un avis préalable à toutes demandes de naturalisation.
Cette commission, dont le siège est au Palais de Justice comprend :
– un magistrat, président ;
– un représentant du Ministère de l’Intérieur, membre ;
– un représentant du Ministère de la Santé, membre ;
– le Directeur de la Population, membre ;
– le Commissaire de la République du lieu de résidence de la personne qui sollicite la naturalisation, membre.
La commission est nommée par le Président de la République.
Elle se réunit sur convocation de son Président.
Ainsi, les spéculations sur l’octroi de la nationalité à Peter Cherif sont fondées sur des intérêts personnels à certains hauts responsable du régime djiboutien, mais ont finalement été contrecarrées par les développements diplomatiques et la coopération judiciaire rapide entre Djibouti et la France.
Hassan Cher
The English translation of the article in French.
Djibouti/France: What important services did Peter Cherif render to the Republic of Djibouti in order to qualify for Djiboutian nationality?
Peter Cherif, alias Abou Hamza, is a French jihadist whom the French justice system accuses of having played a central role in several terrorist operations, notably in Iraq and Yemen, as an active member of al-Qaeda. After several years on the run, he was arrested in Djibouti on 16 December 2018, highlighting the complexity of diplomatic relations between France and the Republic of Djibouti regarding his extradition and legal status.
Peter Cherif, his wife and child were permanent residents of the Hodan neighbourhood in the commune of Balbala, a popular area of Djibouti. Their house belonged to the Guelleh family, according to sources close to the former head of the national police force and certain members of the Djibouti judiciary. Cherif had been living in Djibouti since 2015 and had a regular job with a company in Djibouti.
He had planned to reside permanently in Djibouti because at the end of 2015 he was on a list of jihadists of European or North African origin eligible to obtain Djiboutian nationality by acquisition.
This list, approved by the Djiboutian authorities, was intended to grant nationality to certain foreign jihadists. However, information leaks and intelligence sharing between senior Djiboutian officials and Western countries halted the process.
There are several possible explanations as to why the Republic of Djibouti might have considered granting nationality to Peter Cherif:
- Avoiding extradition: By granting him nationality, Djibouti could have complicated his extradition to France or other countries, making Peter Cherif protected by Djiboutian law. This kind of manoeuvre can be used to delay or avoid a judicial transfer on the pretext of national protection.
- Geopolitical influence: Djibouti occupies a key geostrategic position by hosting several foreign military bases, including a French base. Granting nationality to Peter Cherif could have served certain diplomatic or security objectives, in the context of negotiations with regional players, including jihadist groups.
- Protection of sensitive information: Djibouti could also have sought to protect confidential information concerning its relations with Islamist or terrorist groups active in the region. By giving Cherif its nationality, the country could have prevented sensitive information from being revealed during a possible extradition or trial in France.
In the end, Peter Cherif was extradited to France shortly after his arrest, suggesting that these hypotheses were either unsuccessful or that the Djibouti and French authorities cooperated quickly to avoid this situation.
Conditions for acquiring Djiboutian nationality
According to Law n°79/AN/04/5ème L on the Djiboutian Nationality Code, a foreigner must fulfil several conditions in order to claim Djiboutian nationality:
- Who can obtain nationality by acquisition? Nationality may be granted by decree, at the request of the person concerned, or in special circumstances, such as marriage to a Djiboutian after a certain period of living together.
- Time limit and conditions :
o Time limit: Foreign nationals must have been habitually resident in the Republic of Djibouti for at least 10 years before they can apply for nationality. This period is reduced to 5 years for those who have rendered or can render significant services to the country.
o Conditions: Good character, assimilation into the Djiboutian community (in particular through mastery of a local language), and not being subject to an expulsion order or house arrest.
- Convictions that may prevent acquisition of nationality: Acquisition of nationality is impossible for anyone who has been convicted of :
o A crime against State security.
o A crime for which a pardon has not been granted.
o A sentence of more than six months’ imprisonment for offences such as theft, fraud, breach of trust or blackmail.
A commission, made up of representatives of the ministries and chaired by a magistrate, is responsible for giving a prior opinion on all applications for naturalisation.
This committee, based at the Palais de Justice, comprises :
– a magistrate, chairman ;
– a representative of the Ministry of the Interior, member ;
– a representative of the Ministry of Health, member;
– the Director of Population, member;
– the Commissaire de la République of the place of residence of the person applying for naturalisation, member.
The Commission is appointed by the President of the Republic.
It meets when convened by its Chairman.
Speculation about the granting of nationality to Peter Cherif was based on the personal interests of certain senior members of the Djibouti regime, but was ultimately thwarted by diplomatic developments and rapid judicial cooperation between Djibouti and France.
Hassan Cher
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