Dans une récente édition de La Voix de Djibouti, nous avons publié un article sur les retards de salaires des employés de l’entreprise privée Harmonica, laquelle est en contrat avec l’État de Djibouti auquel elle fournit notamment des agents de sécurité et des femmes de ménage. Ce sont précisément ces derniers qui connaissaient le problème de retards de salaires. Ils en étaient à trois mois d’arriérées.
Depuis lors, la situation ne s’est pas arrangée pour les employés. Certes, un mois de salaire leur a été payé après la publication de notre article, mais plus rien depuis lors. Or, le temps a continué sa course. Il s’ensuit que, aujourd’hui, ils connaissent quatre mois de retards de salaires.
Pourtant, les salaires de ces personnes proviennent du budget de l’État djiboutien pour lequel Harmonica les fait travailler. Ce sont donc des crédits budgétisés chaque année qui sont versés à l’entreprise en règlement de ses prestations et donc des salaires du personnel. Cela rappelle d’ailleurs que l’entreprise doit son existence, du moins en grande partie, à l’externalisation d’une partie des agents de l’État. Elle prospère parce que l’État lui a complaisamment confié le recrutement et la gestion des gardiens et autres femmes de ménage.
D’où viennent donc les retards de salaires ? Selon nos informations, l’État verserait moins régulièrement l’argent public qu’il doit à Harmonica au titre du contrat de prestations de services. Il s’agirait d’un problème dû aux difficultés de trésorerie publique liées à la mauvaise gouvernance du régime. Comme l’État peine déjà à payer ses propres agents, l’argent manquerait pour l’entreprise privée.
Alors, quelle solution ? Lorsqu’un État rencontre des difficultés de trésorière, soit il augmente ses recettes, c’est-à-dire les impôts, soit il réduit ses dépenses. Dans l’état actuel de l’économie djiboutienne, gangrenée par la mainmise de la famille et du petit entourage politique de l’autocrate, il serait, dit-on, difficilement envisageable pour le pouvoir d’augmenter les impôts, sauf à faire payer ses affairistes privilégiés qui engrangent beaucoup d’argent sans contribuer fiscalement au budget étatique. Il lui resterait dans ce cas l’autre option, à savoir la réduction des dépenses. Cela implique notamment la rupture des contrats de complaisance que sont ceux d’externalisation d’une partie de son personnel. En effet, cette externalisation renchérit sensiblement les frais de personnel sans que la qualité du service public n’y gagne. L’entreprise bénéficiaire, que ce soit Harmonica ou une autre, facture à l’État une commission sur chaque employé, tout en prélevant une partie du salaire de ce dernier qu’elle réduit ainsi. Elle vit donc d’un double parasitisme : au détriment de l’État et de l’employé. Bien entendu, tout cela est conforme à l’intention qui a présidé à la création de ce type de société et à ses contrats avec l’État. Djib-Clean a été la première entreprise du genre, dans les années 1990. On sait combien elle a enrichi son patron, Yassin Aoul Farah, rentré sans argent ni formation du Canada où il avait émigré après son échec scolaire.
A Harmonica, les employés n’en peuvent plus et réclament le versement immédiat de leurs salaires. ‘’Comment veut-on que nous survivions si nous n’avons même plus nos paies de misère’’, s’écrient plusieurs d’entre eux. A suivre de près.