Le statut du Sahara occidental, territoire non autonome selon l’ONU, continue de soulever des questions diplomatiques complexes en Afrique et au-delà. L’ouverture récente d’un consulat de Djibouti à Dakhla en 2020, ville située dans ce territoire disputé, illustre les subtilités géopolitiques de la région et soulève de nouvelles interrogations sur les positions des différents acteurs impliqués.
1. Le silence de Djibouti sur son consulat à Dakhla.
Le ministère des Affaires étrangères de Djibouti n’a pas mentionné sur son site web l’existence de son consulat à Dakhla ouvert en 2020. Cette cache-cache soulève des interrogations sur les motivations diplomatiques de Djibouti.
Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ce silence :
– Volonté de ménager les différentes parties : cette approche lui permet de maintenir une certaine flexibilité diplomatique, notamment vis-à-vis de l’Algérie, soutien historique du Front Polisario.
– Prudence diplomatique : Le statut contesté du territoire pourrait inciter Djibouti à la discrétion pour éviter d’éventuelles tensions avec d’autres pays africains ou organisations internationales. En effet, l’ouverture d’un consulat dans une zone disputée peut être perçue comme une reconnaissance implicite de la souveraineté marocaine sur le territoire.
2. La réaction de l’Algérie à l’ouverture du consulat de Djibouti à Dakhla en 2020.
Bien qu’il n’existe pas d’information mentionnant spécifiquement la réaction de l’Algérie, on peut déduire que cette décision de Djibouti est probablement mal perçue par Alger. En effet :
– L’Algérie est le principal soutien de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et du Front Polisario. Elle considère l’ouverture de consulats dans les territoires contrôlés par le Maroc comme une violation du droit international et une atteinte au processus d’autodétermination du peuple sahraoui.
– Dans le passé, l’Algérie a vivement critiqué l’ouverture de consulats par d’autres pays africains dans les villes du Sahara occidental sous contrôle marocain, y voyant une manœuvre du Maroc pour légitimer sa présence dans le territoire.
– L’Algérie pourrait interpréter cette décision de Djibouti comme un affaiblissement de la position du Front Polisario sur la scène diplomatique africaine.
– Cette situation pourrait potentiellement créer des tensions diplomatiques entre l’Algérie et Djibouti, bien que les deux pays aient généralement entretenu des relations cordiales dans le passé.
3. L’opposition de Djibouti à la reconnaissance de la RASD.
Bien qu’il n’existe pas d’information mentionnant explicitement la position de Djibouti envers la République arabe sahraouie démocratique (RASD), on peut déduire son opposition à sa reconnaissance pour plusieurs raisons :
– Alignement sur la position marocaine : L’ouverture d’un consulat à Dakhla, ville sous administration marocaine, suggère un soutien tacite à la position du Maroc sur le Sahara occidental. Cette décision indique que Djibouti privilégie ses relations avec le Maroc plutôt que de reconnaître la RASD.
– Enjeux économiques et diplomatiques : Djibouti pourrait voir plus d’avantages à renforcer ses liens avec le Maroc, acteur influent en Afrique, plutôt que de soutenir la RASD. Le Maroc a développé une politique africaine active ces dernières années, offrant des opportunités de coopération économique et diplomatique.
– Influence de l’Union africaine : Bien que l’UA reconnaisse la RASD, la réintégration du Maroc en 2017 a changé la dynamique au sein de l’organisation. Djibouti pourrait suivre une tendance plus large parmi les États africains à privilégier les relations avec le Maroc.
4. Les pays soutenant la République arabe sahraouie démocratique.
Plusieurs pays reconnaissent ou ont reconnu la RASD. En 2024, la situation est la suivante :
Pays maintenant leur reconnaissance (24 États en 2024) :
– Algérie / – Angola / – Mozambique / – Afrique du Sud / – Venezuela / – Nicaragua / – Mexique / – Cuba / – Ouganda / – Zimbabwe / – Namibie / – Tanzanie / – Éthiopie / – Mauritanie / – Bolivie (reconnaissance rétablie en 2020) / – Équateur / – Timor oriental / – Uruguay
Il est important de noter que la liste des pays reconnaissant la RASD a considérablement évolué au fil du temps. Certains pays ont retiré leur reconnaissance, tandis que d’autres l’ont maintenue ou rétablie. Cette fluctuation reflète la complexité de la situation diplomatique autour du Sahara occidental et les changements dans les alignements géopolitiques.
Soutiens au référendum d’autodétermination :
Certains pays, bien que ne reconnaissant pas officiellement la RASD, soutiennent le principe d’un référendum d’autodétermination pour le peuple sahraoui. C’est notamment le cas de :
– L’Irlande
– Le Royaume-Uni
– La Russie
Position des organisations internationales :
– L’Union africaine reconnaît la RASD depuis 1982. Cette reconnaissance a été une source de tension avec le Maroc, qui a quitté l’organisation en 1984 avant de la réintégrer en 2017.
– L’Union européenne ne reconnaît pas la RASD mais soutient le processus onusien visant à déterminer le statut final du territoire. En septembre 2021, la justice européenne a annulé deux accords commerciaux entre le Maroc et l’UE concernant des produits provenant du Sahara occidental, estimant que le Front Polisario était « reconnu sur le plan international en tant que représentant du peuple du Sahara occidental ».
Il est important de noter que la situation diplomatique autour du Sahara occidental reste fluide, avec des pays changeant parfois de position au fil du temps. Le cas du Pérou illustre bien cette complexité, avec des revirements successifs dans sa reconnaissance de la RASD.
Conclusion
L’ouverture d’un consulat de Djibouti à Dakhla en 2020, et le silence qui entoure cette décision, illustrent la complexité des enjeux diplomatiques autour du Sahara occidental. Cette situation met en lumière les défis auxquels sont confrontés les pays africains dans leurs relations avec le Maroc et l’Algérie, deux acteurs majeurs du continent aux positions diamétralement opposées sur la question sahraouie.
Pour Djibouti, cette décision semble refléter un choix stratégique de renforcer ses liens avec le Maroc, potentiellement au détriment de ses relations avec l’Algérie et le Front Polisario.
Cependant, cette évolution ne signifie pas pour autant que la question du Sahara occidental soit résolue. Le statut final du territoire reste à déterminer selon les résolutions de l’ONU, qui continue de considérer le Sahara occidental comme un territoire non autonome. Le soutien persistant de certains pays à la RASD et l’appel au référendum d’autodétermination par d’autres acteurs internationaux montrent que la question reste un sujet de débat et de division sur la scène internationale.
Lien : M.Bourita: L’ouverture d’un consulat de Djibouti à Dakhla vient couronner le développement des relations entre les deux pays | Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’Etranger
Hassan Cher
The English translation of the article in French.
Djibouti/Dakhla: Djibouti’s hidden consulate in the disputed territory of Western Sahara.
The status of Western Sahara, a Non-Self-Governing Territory according to the UN, continues to raise complex diplomatic issues in Africa and beyond. The recent opening of a Djibouti consulate in Dakhla in 2020, a town located in this disputed territory, illustrates the geopolitical subtleties of the region and raises new questions about the positions of the various players involved.
1. Djibouti’s silence on its consulate in Dakhla.
Djibouti’s Ministry of Foreign Affairs has made no mention on its website of the existence of its consulate in Dakhla, which opened in 2020. This concealment raises questions about Djibouti’s diplomatic motivations.
There are several possible explanations for this silence:
– A desire to accommodate the various parties: this approach enables Djibouti to maintain a certain diplomatic flexibility, particularly with regard to Algeria, the Polisario Front’s historical supporter.
– Diplomatic prudence: the disputed status of the territory could prompt Djibouti to adopt a low-key approach to avoid possible tensions with other African countries or international organizations. Indeed, the opening of a consulate in a disputed area could be perceived as an implicit recognition of Moroccan sovereignty over the territory.
2. Algeria’s reaction to the opening of the Djibouti consulate in Dakhla in 2020.
Although there is no information specifically mentioning Algeria’s reaction, we can deduce that Djibouti’s decision is probably not well received by Algiers. Indeed:
– Algeria is the main supporter of the Sahrawi Arab Democratic Republic (SADR) and the Polisario Front. It regards the opening of consulates in Moroccan-controlled territories as a violation of international law and an infringement of the Saharawi people’s self-determination process.
– In the past, Algeria has strongly criticized the opening of consulates by other African countries in Moroccan-controlled Western Sahara, seeing this as a maneuver by Morocco to legitimize its presence in the territory.
– Algeria could interpret Djibouti’s decision as a weakening of the Polisario Front’s position on the African diplomatic scene.
– This situation could potentially create diplomatic tensions between Algeria and Djibouti, although the two countries have generally enjoyed cordial relations in the past.
3. Djibouti’s opposition to recognition of the SADR.
Although there is no information explicitly mentioning Djibouti’s position towards the Sahrawi Arab Democratic Republic (SADR), we can deduce its opposition to its recognition for several reasons:
– Alignment with the Moroccan position: The opening of a consulate in Dakhla, a town under Moroccan administration, suggests tacit support for Morocco’s position on Western Sahara. This decision indicates that Djibouti favors relations with Morocco over recognition of the SADR.
– Economic and diplomatic stakes: Djibouti could see more advantages in strengthening its ties with Morocco, an influential player in Africa, than in supporting the SADR. Morocco has developed an active African policy in recent years, offering opportunities for economic and diplomatic cooperation.
– Influence of the African Union: Although the AU recognizes the SADR, Morocco’s reintegration in 2017 changed the dynamic within the organization. Djibouti could follow a broader trend among African states to privilege relations with Morocco.
4. Countries supporting the Sahrawi Arab Democratic Republic.
Several countries recognize or have recognized the SADR. In 2024, the situation is as follows:
Countries maintaining their recognition (24 states in 2024) :
– Algeria / – Angola / – Mozambique / – South Africa / – Venezuela / – Nicaragua / – Mexico / – Cuba / – Uganda / – Zimbabwe / – Namibia / – Tanzania / – Ethiopia / – Mauritania / – Bolivia (recognition reinstated in 2020) / – Ecuador / – East Timor / – Uruguay
It is important to note that the list of countries recognizing the SADR has evolved considerably over time. Some countries have withdrawn their recognition, while others have maintained or reinstated it. This fluctuation reflects the complexity of the diplomatic situation surrounding Western Sahara and shifts in geopolitical alignments.
Support for the self-determination referendum :
Some countries, while not officially recognizing the SADR, support the principle of a self-determination referendum for the Saharawi people. This is notably the case of :
– Ireland
– United Kingdom
– Russia
Position of international organizations :
– The African Union has recognized the SADR since 1982. This recognition has been a source of tension with Morocco, which left the organization in 1984 before rejoining in 2017.
– The European Union does not recognize the SADR, but supports the UN process to determine the territory’s final status. In September 2021, the European Court of Justice annulled two trade agreements between Morocco and the EU concerning products from Western Sahara, ruling that the Polisario Front was “internationally recognized as the representative of the people of Western Sahara”.
It is important to note that the diplomatic situation surrounding Western Sahara remains fluid, with countries sometimes changing their position over time. The case of Peru illustrates this complexity, with successive reversals in its recognition of the SADR.
Conclusion
The opening of a Djibouti consulate in Dakhla in 2020, and the silence surrounding this decision, illustrate the complexity of the diplomatic issues surrounding Western Sahara. This situation highlights the challenges facing African countries in their relations with Morocco and Algeria, two major players on the continent with diametrically opposed positions on the Saharan question.
For Djibouti, this decision seems to reflect a strategic choice to strengthen its ties with Morocco, potentially to the detriment of its relations with Algeria and the Polisario Front.
However, this development does not mean that the question of Western Sahara has been resolved. The final status of the territory remains to be determined according to the resolutions of the UN, which continues to consider Western Sahara as a non-self-governing territory. The persistent support of certain countries for the SADR and the call for a referendum on self-determination by other international players show that the issue remains a subject of debate and division on the international scene.
Link: M.Bourita: L’ouverture d’un consulat de Djibouti à Dakhla vient couronner le développement des relations entre les deux pays | Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’Etranger
Hassan Cher
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